Dadada

Grand dadais à la carrure sportive, Dante a laissé derrière lui son profil d'adolescent-allumette depuis belle lurette au profit d'une allure plus masculine. A ne pas confondre non plus avec le type armoire à glace : il reste tout de même très sec et pas bien épais, mais son amour des sport de combat lui confère une musculature tout à fait honorable. Il ne cherche cependant pas réellement à la mettre en valeur : côté vestimentaire, ses fringues ne sont pas spécialement soignées et généralement très amples, genre baggys, sarouel et t-shirt deux fois sa taille.
Mais physiquement, une des premières choses que l'on remarque chez le jeune, c'est ses cheveux d'une longueur à faire pâlir d'envie un métalleux et d'une blancheur à rendre jalouse toute une maison de retraite. Pourtant il n'y a là aucun artifice, seulement une hérédité à chier qui l'a doté d'une jolie canitie précoce, merci maman. Si cette particularité l'a énormément complexé au début de son apparition, il en a pris son parti à présent et a même pris l'initiative de décolorer les mèches de ses cheveux qui conservaient encore leur couleur naturelle.
En tout cas, pas besoin d'être Einstein pour comprendre que les origines russes de sa mère ont clairement submergé les gènes japonais de son père : Dante ne ressemble en rien à ce dernier, que ce soit par la taille, la carnation très pâle de sa peau et jusqu'à la couleur de ses yeux qu'il a d'un bleu tirant sur le gris. Et si à ce stade-là le doute subsiste encore, il suffit de l'entendre parler car même s'il maîtrise relativement bien la langue de son pays d'adoption, il ne s'est jamais départi de son accent au cours des nombreuses années passées dans le coin.

On pourrait mettre la photo de Dante à côté du mot "procrastination" dans un dictionnaire… ou "flemmard". L'est pas bien méchant, le bougre, mais c'est pas rare que la motivation oublie de se présenter au rendez-vous, surtout quand ça concerne le domaine de sa scolarité : c'est l'exemple type du glandu qui va en teuf dans la semaine et dort pendant ses cours le matin au grand désespoir de ses professeurs. Heureusement qu'il est pas complètement dépourvu de neurone et qu'il arrive encore à se tirer de ses examens avec des notes potables, sinon ce serait à se demander ce qu'il fout encore dans une école alors qu'il est à un âge où il pourrait déjà bosser pour gagner sa croûte.
En dehors de ça, Dante est un garçon plutôt sympathique. Pas bien causant, ça c'est sûr, et avec tendance à préférer la solitude aux contacts humains tant qu'il n'a pas quelques bières dans le pif pour améliorer ses compétences de sociabilité. Très caustique de nature, il n'a pas tendance à mâcher ses mots et n'hésite pas à envoyer chier quelqu'un si ladite personne se montre importune. Ajouté à ça, le bonhomme est plutôt caractériel, a la rancune particulièrement tenace et s'énerve vite quand on titille ses sujets sensibles… et vous n'avez pas envie d'énerver un mec du gabarit de Dante, sauf si vous voulez vous bastonner, auquel cas vous êtes les bienvenus !
Mais Dante, c'est aussi un super pote pour qui partage ses passions et ses délires. Un mec à qui on peut faire confiance du moment qu'on ne lui demande pas l'impossible, et qui sera toujours partant pour faire les quatre cents coups avec vous si y a un bon délire à la clef. Faut juste pas venir le réveiller en pleine nuit ou le priver de ses grasses mat' parce que le sommeil, chez le russe, c'est sacré : c'est le genre de type qui sort pas du brouillard avant onze heures du matin et plusieurs tasses de café bien noir, l'ours mal léché à qui il vaut mieux pas adresser la parole tant qu'il a pas fini de décoller ses yeux si on veut pas se prendre sa mauvaise humeur dans la tronche sans raison valable.

Dante est le fruit d'amours improbables et adultères entre une jeune russe férue de voyages et un archéologue japonais. Les deux personnes, à l'époque encore jeunes, s'étaient rencontrées lors d'une croisière sur le Nil, en Egypte donc. Leur idylle, ou du moins ce qu'on pouvait qualifier comme tel, dura une petite semaine avant que le nippon ne retourne à ses fouilles et la russe, à son froid pays. Ce n'est que deux bons mois plus tard qu'elle prit conscience de sa grossesse, alors que c'était bien là la dernière chose qu'elle aurait désiré. Vivant de petits boulots par-ci par-là et habitant dans un HLM miteux des quartiers pourris de Saint Petersbourg, elle n'avait assurément pas les moyens d'élever un gosse. Et pourtant... Elle ne put se résoudre à l'avortement et c'est ainsi que naquit notre bonhomme, 9 mois et 23 jours exactement après les galipettes de ses géniteurs dans un pays loin, bien loin en tous points de celui dans lequel il passa ses premières années. Premières années au demeurant assez désolantes, puisque les conditions de vie dans son petit foyer étaient minables et qu'il passait les 3/4 de son temps dans les rues à fréquenter la progéniture d'autres gens pas forcément très recommandables. Si l'on peut tirer au moins un avantage de tout ça, c'est que le gosse apprit très tôt à se débrouiller seul, en même temps qu'il apprit les rudiments des combats de rues. Le sale petit garnement effronté qu'il était aurait sans nul doute bien mal tourné s'il avait continué à grandir et à évoluer dans de telles conditions.

Et puis heureusement, un accident vint rompre le quotidien de ses journées peu reluisantes, alors qu'il allait vaillamment sur sa treizième année. Enfin heureusement... le mot n'est pas vraiment adapté, disons plutôt que le gamin eut de la chance dans son malheur. Il se fit renverser par une voiture alors qu'il rentrait du collège, et même si l'accident était loin d'être grave il fut cependant nécessaire de transférer le blessé à l'hôpital histoire de suturer quelques plaies. C'est à cette occasion là qu'il fut découvert à quel point la mère Mstislav menait un train de vie aussi pitoyable que déplorable, et puisque le nom du père n'était pas inconnu, la garde de l'enfant lui fut retirée et transférée à ce dernier.

Les choses allèrent alors bon train. Sans qu'il ait le temps de comprendre quoi que ce soit, Dante et ses maigres biens se retrouvèrent catapultés dans un bateau en direction Kyoto, au Japon. Un lieu dont il connaissait à peine l'emplacement sur la carte du monde et dont, évidement, il n'en parlait pas la langue. Encore heureux pour lui qu'il était plutôt débrouillard en anglais.

Si sa belle mère ne vit pas son arrivée d'un très bon œil - comment l'aurait-elle pu, alors qu'il était la preuve que son mari l'avait faite cocu au moins une fois -, le reste de la famille l'accueillit plutôt bien, notamment sa jeune demi-sœur et ses deux demi-frères à peine plus âgés que lui, enthousiastes à l'idée d'avoir un nouveau membre dans la famille. Autant dire que Dante s'intégra plutôt bien, même si dans un premier temps il rencontra énormément de difficultés à s'adapter à son nouveau pays, sa langue et ses coutumes, son nouveau mode de vie ainsi qu'un sentiment nouveau qu'il découvrait, celui de l'amour fraternel et, plus généralement, familial. Parce que même l'épouse avait fini par adopter le gosse à l'allure tellement exotique, au final. Alors certes tout n'était pas toujours rose, comme dans la plupart des familles, mais au moins n'avait-il pas à se plaindre de quoi que ce soit, désormais.