Mitchell Ikejima

Même si Mitchell a une dent contre le Japon, il ne peut pas renier sa moitié de sang asiatique. Que ce soit par la forme de ses yeux ou bien par ses cheveux noirs et épais, on pourrait très facilement le prendre pour un jeune homme entièrement japonais si ses yeux bleus ne trahissaient pas son métissage. La moitié restante lui vient donc de sa mère, une américaine avec des origines à la fois norvégiennes, allemandes et anglaises, un beau mélange en somme. Mitchell est très fier de ses origines, même s'il aurait préféré être un peu moins typé asiatique. En revanche, pour sa taille, il ne sait pas de qui il tient ses gênes mais il doute que ce soit du côté de son père. La nature l'a plutôt bien avantagé dans ce sens puisqu'il est très grand, bien plus grand que la moyenne des hommes au Japon. Il est pourtant loin de ressembler à une asperge ou un fil de fer. Depuis sa jeunesse, Mitchell a toujours aimé pratiquer différents sports. Un peu touche à tout, il voulait toujours tout essayer, que ce soit les activités sportives plus américaines ou bien japonaises. Il n'a jamais fait de différence lorsqu'il s'agit de sport et il aurait bien aimé devenir un sportif de haut niveau ou bien de devenir cascadeur et de pouvoir gagner sa vie tout en faisant quelque chose de « cool » à ses yeux. Même s'il a laissé ses rêves de côté il y a bien longtemps, il n'a pas abandonné le sport qu'il pratique encore lorsqu'il en a l'occasion. C'est ce qui lui vaut encore aujourd'hui sa carrure assez imposante. Le seul inconvénient c'est qu'il n'est pas toujours facile de trouver des vêtements à sa taille dans ce pays.
Mitchell n'est pourtant pas bien difficile lorsqu'il s'agit de sa tenue vestimentaire. Il aime porter des choses simples, de préférence assez confortables et avec des couleurs neutres. Il est capable de passer sa journée en survêtement de sport mais il est tout aussi capable de faire un effort et de sortir un beau pantalon et une chemise pour les occasions. Parfois un peu chic, parfois plus décontracté, la seule constante c'est qu'il est toujours assez soigné. Il n'aime pas garder des vêtements troués, tâchés ou juste un peu trop usés, il préfère que tout soit impeccable. Il est rare aussi de le voir avec une barbe de quelques jours. Il est plus souvent rasé de près mais lorsqu'il s'agit de sa coupe de cheveux, il aime bien qu'elle semble un peu négligée. Ça demande moins de travail d'assumer ses mèches rebelles plutôt que de chercher à les placer correctement.
De manière générale, Mitchell ne donne pas l'impression d'être quelqu'un de très enjoué. Il laisse souvent sa mauvaise humeur récurrente prendre le dessus, ce qui le rend alors bien plus bougon, voire même grincheux. Lorsqu'il a cet air maussade sur le visage, il ne donne pas spécialement envie de venir vers lui. Avec ses sourcils froncés ou encore son regard dur et froid, il démontre de manière très claire qu'il n'a pas envie de faire des efforts pour paraître plus aimable. C'est un solitaire et il doit faire ce qu'il faut pour empêcher les gens d'interférer dans ses affaires.

Chacun perçoit Mitchell à sa façon mais ce qui ressort de l’opinion générale c’est qu’il n’est pas quelqu’un de très fréquentable. Déjà lorsqu’il était adolescent, il menait la vie dure à son père qui ne savait plus quoi faire lui. Il a été particulièrement affecté par le départ soudain de sa mère et d’être arraché quelques années plus tard de son pays natal. C’est peut-être ce qui a contribué à le rendre si violent, c’était sa seule manière pour lui d’extérioriser la rage qu’il ressentait à l’époque. Pourtant, même avec le temps, ses blessures ne semblent pas s’être totalement refermées. Il n’en parle jamais, même pas à son petit frère puisqu’il sait très bien qu’il n’a pas vécu les choses de la même manière que lui. Il était encore trop petit à ce moment-là pour réaliser pleinement ce qui se passait. Mitchell a toujours été un grand frère protecteur, même s’il lui arrive très souvent de taquiner son petit frère juste pour l’embêter ou pour chahuter avec lui. Il agit parfois comme un vrai gamin quand il est avec Myles et il y a une réelle complicité entre ces deux là. C'est un peu pareil avec Tomas puisque, bien qu'il soit son fils, Mitchell s'est toujours plus conduit comme un grand frère avec lui. Au début, Mitchell tenait pourtant à s'investir pour ne pas reproduire le même schéma que sa mère mais il a finalement préférer fuir ses responsabilités lui aussi. Personne n'avait prévu de faire croire au petit que son grand-père était son père mais sur le moment, ça semblait être ce qu'il y avait de mieux à faire. Il se rend compte que c'était une erreur et il a souvent honte du comportement qu'il a eu depuis la naissance de Tomas. En dehors de sa famille, Mitchell n’a pas vraiment d’amis. Il est bien trop solitaire pour ça mais il s'est tout de même fait quelques contacts, notamment pour les boulots pas très nets qu’il faisait lorsqu’il n’avait que lui à se préoccuper. On ne peut pas dire qu’il en soit très fier et s’il devait un jour trouver son frère ou son fils à faire les mêmes conneries qu’il a pu faire, il les engueulerait très sévèrement. Il sait qu’il n’a pas été un bon exemple et maintenant que son père n’est plus là, il veut essayer de changer et de s’améliorer, même s'il sait que ça ne va pas être facile.

Penché sur une pile de feuilles vierges, stylo à la main, Mitchell écrit, raie et rature avant de froisser le papier entre ses mains et de le jeter par terre. Il y a à présent une multitude de boulettes en papiers qui recouvrent le sol. Jamais il n’aurait cru que ce serait si dur d’écrire une lettre de motivation. Il ne s’était jamais encombré avec ce genre de chose pour bosser avant. Les boulots qu’il a faits n’étaient pas non plus en toute légalité. C’est bien pour ça que son CV lui semble aussi vide que cette pile de papiers blancs. A part avoir été serveur pendant quelques mois, il n’a aucune véritable expérience professionnelle. Il n’a pas non plus de diplôme, l’école c’était loin d’être son truc. Tous ses espoirs d’obtenir le poste repose sur sa motivation et cette putain de lettre ! Ça fait bien des heures qu’il est dessus mais il n’arrive pas à faire quoi que ce soit de bien ou de propre. Lassé et énervé, Mitchell se lève de sa chaise pour faire une pause. Il en a bien besoin. Il va s’installer sur le rebord de la seule fenêtre de la pièce et l’entrouvre légèrement le temps de fumer une clope. Ce poste de concierge dans un lycée c’est sûrement pas le job rêvé pour lui mais c’est ce qu’il a trouvé de mieux pour le moment. Il lui faut un boulot sérieux et un logement également. Ça fait trop longtemps qu’il squatte cet hôtel miteux, trop longtemps qu’il vit de ses petites magouilles. Il doit se ranger et changer de vie. Ce n’est pas pour lui qu’il se doit de le faire mais pour son fils.

Mitchell souffle la fumée de sa cigarette tout en reposant sa tête contre le mur derrière lui. Il sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur. C'est tout l'avenir de son petit garçon qui repose sur ses épaules à présent. Mitchell sait très bien qu’il est loin d’être le père parfait pour lui. Il a fait beaucoup de conneries dans sa vie mais il a aussi de qui tenir. Avec la vie et les parents qu’il a eu, fallait pas vraiment s’attendre à autre chose ! Seul Myles, son frère, s’en sort plutôt bien dans tout ça. Il a pris exemple sur Mitchell des conneries à ne pas faire… Il est loin d’être con ce gosse, il a toujours été assez futé et il fera sûrement quelque chose de sa vie. Il a bien plus de chance de réussir que Mitchell. Ils ont pourtant pas été gâtés dans la vie. Entre leur mère qui s’est cassée du jour au lendemain sans un mot ni explication, laissant ses fils derrière elle et leur père démoli par ce départ. Au moins, même s’il n’était pas au meilleur de sa forme, ils ont toujours pu compter sur lui. Il n’était pas non plus le père idéal mais il aimait ses fils, surtout Myles. Avec Mitchell, les relations étaient plus tendues mais il le cherchait aussi. L’autorité parentale ou l’autorité tout court, il a toujours eu du mal à supporter. Et puis, il lui en a toujours voulu de ne pas avoir retrouvé de boulot à San Francisco après son licenciement. Il n’a jamais vraiment cherché à se bouger pour en retrouver un et à cause de lui, ils ont été obligés de partir au Japon alors que lui et son frère n’y avaient jamais foutu les pieds de leurs vies ! Ils n’avaient plus le droit de rester sur le territoire américain. Mitchell n’a jamais pu l’accepter… Se retrouver obligé de changer de pays à l’âge de quatorze ans, trois ans après que sa mère se soit tirée, ça n’a pas été facile à digérer. Mitchell déteste le Japon, il aimerait retourner aux États-Unis pour y passer le reste de sa vie mais ce n’est pas si simple. Il ne peut pas laisser sa famille ici et il n’a pas assez d’argent pour se permettre un tel voyage, encore moins pour trois personnes. Enfin pour l’instant, il doit déjà réussir à s'occuper de son fils et aussi aider Myles, le temps qu'il termine ses études.

Sa cigarette terminée, il l’écrase dans le cendrier posé en face de lui, sur le rebord de la fenêtre. Son regard se perd un instant dans la pénombre qui semble avoir engloutie la rue. Il doit être tard, il n’a pas vu le temps passer. Mitchell se lève pour aller éteindre la lumière sur le minuscule bureau, qui sert normalement de table à manger, dans le coin de la pièce. Il reste encore une lumière allumée près du grand lit où son petit garçon de six ans et une boule de poils blanche se sont profondément endormis. Avec ce chat au moins, tout est bien plus simple. Ça fait déjà cinq ans que Max est avec lui et il ne l’a jamais quitté. Que ce soit quand il vivait encore chez son père, comme lorsqu’il a été viré de la maison quand il a trouvé du matos volé dans le garage. Ce chat l’a suivi partout et même si c’est un peu con à dire, c’est un peu son meilleur ami. Mitchell s’allonge sur le lit sans les réveiller, caressant simplement la tête du chat entre les oreilles avant de regarder son fils en train de dormir. Il est si grand maintenant, il n'a vraiment pas vu les années passer. Il a parfois l'impression qu'il n'y a pas si longtemps que Tomas était encore un tout petit bébé. Il était pourtant jeune quand il est né, sûrement trop jeune pour être père. C'était aussi le cas de la mère de Tomas et il n'a aucune idée de ce qu'elle est devenue après l'avoir mis au monde. Ils n'étaient pas prêts à assumer la responsabilité d'un enfant. C'était plus simple de le faire passer pour son frère et de laisser son père s'occuper de lui. Mitchell soupire avant de tendre le bras pour éteindre la dernière lumière. Allongé sur le dos, il fixe un instant le plafond qu’il distingue à peine. Tout serait tellement plus simple si son père était encore là. Ils auraient encore la maison, Tomas vivrait encore chez lui, Mitchell continuerait de lui rendre visite tout en menant sa vie de solitaire à côté et Myles n'aurait pas autant de soucis à se faire pour la suite de ses études. Il n’avait rien prévu pour ses fils et pour son petit-fils, il ne leur a rien laissé non plus à part des dettes qui ont pu être remboursé par la vente de la maison. Il n’avait sans doute jamais réfléchi à ce qu’ils feraient s’il devait disparaître. Une crise cardiaque, c’est pas non plus le genre de chose qu’on peut prévoir. Mitchell se tourne finalement sur le lit pour essayer de dormir. Il est bien trop tard pour réfléchir à sa lettre, il recommencera après une bonne nuit de sommeil. Il aura sans doute les idées plus claires… Il a tellement besoin de ce boulot.